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Libérons l’imagination dans nos entreprises.  Entretien avec Maxime Barluet de Beauchesne

12 juillet 2021
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De passage sur notre Parcours Entrepreneur pour accompagner nos 44 entrepreneurs dans la définition de leur vision et de leur raison d’être, j’ai pu échanger avec Maxime Barluet de Beauchesne, facilitateur, professeur en école et universités, initiateur de Contes à rendre… les casquettes ne manquent pas. Maxime est surtout profondément passionné par les réflexions autour de l’influence de nos imaginaires collectifs dans notre difficulté à transformer les entreprises. 


Sophie : “Dis Maxime, raconte-moi ton histoire”

(Maintenant, que j’ai découvert la passion de Maxime pour les narratifs, les mots et les imaginaires, c’est sans doute ainsi, que j’aurais dû débuté mon entretien.) 


Maxime : “J'aime me définir par des mots qui expriment ce qui m'anime sans m'enfermer dans mes activités actuelles. Je me définis notamment souvent comme idéaliste, c'est-à-dire, comme une personne qui se laisse toucher par son époque et qui veut se mettre en mouvement pour aller en direction de ses idéaux.

Je me suis longtemps présenté en disant "humaniste" car je voulais un mot qui puisse regrouper l'ensemble de mes activités et de leurs évolutions sans m'enfermer. J'exprimais ainsi que tout ce que je fais est notamment guidé par la conviction que si chaque personne écoute et s'aligne avec ses valeurs, aspirations et convictions, alors cela engendre une société plus équilibrée et harmonieuse. Aujourd'hui, je choisis plutôt "vivant" pour me positionner au-delà d'une vision anthropocentrée, pour m'autoriser à élargir mon champ de réflexion et de sensibilité et pour me sentir plus connecté au reste du vivant.

Bon, et puis depuis deux ans, je me définis aussi comme “père” car cela me donne l’occasion d’observer un enfant percevoir le monde, ça me crée une projection dans le futur très concrète.”

Sophie: Quel est ton idéal à toi ?


Maxime : “Mon idéal c’est un monde où on se permettrait de croire qu’on peut créer ou transformer les entreprises pour qu’on s’y sente bien et qu’elles nous ressemblent. J’aimerais que l’on puisse être soi-même dans ces organisations, qu’on laisse émerger une biodiversité d’entreprises variées représentatives de la diversité des personnes qui les composent et les font vivre. Je me mets beaucoup en mouvement pour rouvrir les possibles et lutter contre le conformisme ou le fatalisme. J’ai l’intuition que si on se ré-approprie l’histoire que l’on se raconte sur ce qu’est une entreprise alors on pourrait réinventer l’entreprise.”

Sophie: “Comment participes-tu à l’atteinte de cet idéal ?  ?”


Maxime : “Tout d’abord, j’aime profondément l'entreprise car elle est riche d'individualités et d'énergies collectives pour faire ensemble. Je considère aussi que l'entreprise peut être un espace de liberté dans lequel il est possible d'incarner et défendre ses idéaux. Parfois je même l'impression que c'est plus facile qu'en politique, car même si le bien commun est inscrit dans le rôle de politique, il est nécessaire d'obtenir une majorité et de faire consensus. Dans le cadre d'une entreprise, il y a évidemment des contraintes, mais on peut choisir de s'engager en lien avec ses valeurs et ses idéaux. En ce sens des exemples comme 1083 ou fairphone, sont assez inspirants.

Depuis 4 ans, j’accompagne des entreprises sur la définition de leur raison d’être, que j’aime définir comme “l’expression de ce qui est vivant en nous au présent pour nous projeter vers un futur possible et souhaitable”. Cela regroupe donc ce qui nous anime et la question du rôle que l’on souhaite jouer. J’interviens aussi pour faire émerger les valeurs collectives. Ces deux notions me semblent intéressantes pour questionner ce qu'est une entreprise de l'intérieur et oser exprimer le rôle qu'on veut jouer dans la société (pour la raison d'être) et ce dont on a besoin pour vivre des relations positives avec ses collègues (les valeurs).”

Sophie : Pourquoi est-il essentiel, selon toi, de libérer les imaginaires collectifs et, en particulier, en entreprise ? 


Maxime : Le livre Ishmaël de Daniel Quinn m'a fait prendre conscience du pouvoir (et du poids) que peuvent avoir nos mythes collectifs. Depuis j'interroge aussi le rôle de ces "imaginaires" dans notre difficulté à transformer les entreprises. Combien de fois ai-je entendu “C’est comme ça c’est l’entreprise” ou “Ce sont les règles du business”. Il y a une fatalité associée à ce qu’est l’entreprise qui me dérange énormément, alors qu’il y a pourtant plein de contre-exemples qui prouvent que ce n’est pas forcément ainsi. Il y a une dizaine d’années, le livre 80 hommes pour changer le monde a peuplé mon imaginaire de récits différents car il débute toujours par une idée reçue et développe un exemple qui montre l’inverse.

Ce qui m’intéresse c’est donc de rouvrir les possibles. En 2020, j’ai organisé Contes à rendre, une semaine de réflexion sur le rôle des imaginaires collectifs pour transformer l’entreprise. Adrien Rivierre, auteur de L’Homme est un conteur d’histoire, disait :

“Les actes et les récits sont les deux faces d’une même pièce”.

L’idée c’est que nos imaginaires collectifs, c’est-à-dire les histoires que l’on se raconte, façonnent notre réalité et donc nos comportements. 

En fait, l’entreprise comme mot, comme concept ou comme environnement, encapsule un imaginaire, des croyances dont on hérite, qu’on transmet et qui influence nos comportements, potentiellement en nous limitant à faire les choses qu’on souhaiterait.

Pour donner un exemple très concret, un jour un étudiant me disait :

“Mais pourquoi parle-t-on d’impact, je ne veux pas créer une association mais une entreprise".

Pour lui, dans son imaginaire, il y a certains ingrédients qui ne sont pas possibles dans une entreprise. Ce qui m’intéresse c’est donc de rouvrir ces imaginaires autour de l’entreprise et dépasser nos limites narratives.


Sophie : Comment libérer les imaginaires des entreprises ? 


Maxime : “Il y a de multiples manières de répondre à cette question. Tout d'abord, j'aime cette phrase de Thomas Huriez, fondateur de 1083, dans un podcast VECUS :

"Arrêtez d'essayer de convaincre et faites des choses convaincantes".

Pour reprendre aussi l'idée d'Adrien Rivierre, je pense que les premiers récits sont les actes et donc une première manière de libérer les imaginaires est donc de faire différemment pour ouvrir les possibles. Pour ma part, cela passe notamment par le prix libre - mes clients peuvent choisir le montant auquel ils souhaitent valoriser ma prestation à la fin de celle-ci. Je ne le propose pas comme un modèle à généraliser, mais je montre que c'est un possible (et pas impossible).

Une autre idée qui m'intéresse, c'est le vocabulaire. Lors de Contes à Rendre, Daniel Kaplan, suggérait qu'on manque peut-être de mots pour parler des entreprises.

En ce sens, je trouve que la loi pacte participe à libérer les imaginaires. En effet, je trouve que l'entreprise à mission, entraîne avec elle un nouveau vocabulaire. La raison d'être par exemple est un terme qu’on entendait plus en philosophie ou spiritualité que dans un business canva. Avec cette notion on associe des mots comme "incarner" ou "alignement" et je pense que petit à petit cela participe aussi à libérer les imaginaires.

L’entreprise, historiquement, s’est développée sur des éléments extérieurs, des opportunités du marché avec but principal son rôle économique. Avec l'entreprise à mission, on est invité à suivre un mouvement qui vient de l’intérieur, qui part des individus et du rôle qu’ils ont envie d’incarner. Bien au-delà de l'outil juridique (probablement critiquable) je trouve donc cette actualité vertueuse car elle peuple petit à petit nos imaginaires de récits d’entreprises différents, de nouveaux exemples, de nouveaux questionnements”.


Sophie : Aurais-tu des conseils à partager à nos lecteurs pour commencer petit  ? 


Maxime : “Les entrepreneurs sociaux se posent la question du rôle qu'ils veulent avoir, à leur échelle, sur la société dans laquelle ils s'inscrivent. Ici à nouveau j'aime jouer sur les mots pour pointer le fait que chaque personne peut se poser la question de la société sur laquelle elle peut avoir un impact. Dans le cadre d'un salarié, sa société est probablement son entreprise. Tout comme pour les entrepreneurs, la société n'est pas toujours très réceptive et les contraintes peuvent être nombreuses, mais cela n'empêche pas de croire qu'on peut jouer un rôle et de débuter petit à petit, sur le bon périmètre (son équipe par exemple). 

On pourrait même imaginer le concept "d'équipe à mission". Vous êtes touchés par l'égalité homme-femme, et bien pourquoi pas vous donner, plus ou moins officiellement, la mission d'amener votre société, votre entreprise, vers une plus grande prise en compte des ces questions. Je crois que nous avons tous, quelque soit notre rôle, de multiples leviers à notre échelle et je pense que le plus important est d'oser croire qu'on peut les activer.

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